Malik vit le jour le 6 Mai 1888 dans l'état de Washington. Malgré qu'il soit né dans un milieu défavorisé, le jeune garçon eut une enfance heureuse et épanouie. Issu d'une famille de sept enfants, il apprit bien vite à se débrouiller seul. D'ailleurs, de nature plutôt sage et réservé au début, passé ses dix ans, il changea radicalement d'attitude et finit par se comporter comme un véritable petit diablotin, casse-cou et désobéissant. Ses parents en étaient excédé, mais peu disposé à se fâcher avec lui, ils ne le reprirent que très rarement pour au final, finir totalement par le laisser vivre à sa guise.
Malik profita donc de cette liberté pour faire ce qu'il voulait. Il quitta le toit familial le jour de ses dix-huit ans, bien décidé à croquer la vie à pleine dent sans peine ni regret. Puis, il sillonna le monde en quête d'aventures et de découvertes, jouissant de chaque seconde passée sur cette terre comme d'un immense cadeau. Rien ni personne ne pouvait l'arrêter. Il avançait sans se retourner, un fin rictus au coin des lèvres. Or, l'arrivée d'une jeune femme dans sa vie bouleversa son existence. Elle s'appelait Peni. Elle était d'une grande beauté, avec ses yeux bleus et sa peau satinée. Ses longs cheveux noirs tombaient à grosses boucles sur ses épaules. Elle dégageait une odeur capiteuse et enivrante. Hélas, elle vendait aussi son corps pour de l'argent. Plusieurs hommes payaient ses services, en échange d'un bon moment passé en sa compagnie. Femme de joie très prisée, c'était une proie inaccessible. Pourtant, dès l'instant où son regard croisa le sien en entrant dans cette taverne, Malik sut que c'était elle. Il décida malgré tout de la courtiser, passant outre l'interdiction formelle du tavernier de l'approcher sans verser le moindre centime.
Un soir, tandis que ce vieux lard avait le dos tourné, il se présenta devant elle avec franchise, sans passer par la case "démocrate".
- Quel gâchis de donner un tel corps à ces ancêtres, commença t-il soudain, la prenant au dépourvu, vous méritez mieux que ça. Quittez ce vieux Schnock, envoyez le chier et partez avec moi. Je peux vous donner tout ce que vous désirez.
Il glissa son bras autour de sa taille et l'attira vers lui, lui glissant à l'oreille :
- Un seul mot de votre part et je mets fin à cette vie de merde...
La courtisane parut, au premier abord, déconcertée. Or, elle ne chercha pas à le repousser, bien au contraire. Elle scruta son visage un instant, puis un sourire étira lentement ses lèvres.
- Vous jouez à un jeu dangereux mon ami. Je ne connais même pas votre nom et jamais mon patron ne me laissera partir. Il a donné un très bon prix pour m'avoir et...
- Et si vous saviez comme j'en ai rien à foutre, l'interrompit Malik en lui prenant la main pour l'entrainer vers la sortie, je ne crains pas ce connard. Qu'il tente de m'en empêcher, je l'accueillerais à bras ouvert.
Il était on ne peut plus sérieux. Si ce vétéran se mettait en travers de leurs chemins, un grand coup dans le pif lui remettra bien vite les idées en place. Quand il avait une idée en tête, il ne l'avait pas ailleurs. Malik se tourna vers sa promise et lui adressa un clin d'oeil. Celle-ci écarquilla les yeux toutefois, son sourire s'étira un peu plus. Peni ne comprenait pas bien pourquoi mais son cœur se mit à battre furieusement. Elle acquiesça d'un hochement de tête et se laissa finalement guider, conquise par cet homme fort incongru qui avait au moins le mérite de la voir telle qu'elle était. Cependant, c'était sans compter sur le tavernier qui les héla presque aussitôt, un couteau dans la main droite :
- Et où comptes-tu aller comme ça avec l'une de mes filles? Peni retourne travailler immédiatement ! il y a des clients qui t'attendent. Quand à toi...., le rabougri se rapprocha de Malik, l'air menaçant. Reste ici, on va régler ça entre homme.
Tandis qu'il brandissait maintenant l'arme sous son nez, le jeune insolent l'observa plus attentivement. Il se fit la réflexion que le cabaretier ressemblait à un cochon bien gras, soumis à un problème plus sérieux de calvitie. Par ailleurs, il le fixait avec des yeux globuleux. A mesure qu'il avançait, Malik pouvait même sentir son odeur putride lui chatouiller les narines. C'était tout simplement répugnant. Le rebelle émit un grognement dégoûté avant de répondre d'un ton détaché :
- Je n'ai pas pour habitude de me battre avec un porc mais si la situation l'oblige... viens là mon gros, montre moi ce que tu sais faire. Seulement la belle reste avec moi.
Joignant le geste à la parole, le rebelle attira Peni contre lui. Il lui vola un baiser, sous l’œil rageur du tavernier qui le traita alors de tous les noms. Cela l'amusa. Après avoir fait signe à la courtisane d'attendre, il fit un pas en avant en arborant cette fois un sourire cruel. Le cabaretier fut le premier à frapper. Il lui donna un violent coup de poing, le faisant chuter sur le sol telle une marionnette. Le nez en sang, Malik ne parut pas déstabilisé pour autant. Bien au contraire, une fois sur ses jambes, il s'esclaffa bruyamment en tapant des mains d'un air moqueur.
- C'est tout? Allez mon boudin, je suis sûr que tu peux faire mieux ! dit-il en lui faisant signe d'approcher.
Tout en se mettant en position combative, le rebelle se prépara à la riposte. Furieux, son adversaire mit toute son énergie dans un nouvel assaut mais alors qu'il s'apprêtait à le frapper, l'homme esquiva le coup juste à temps et en profita pour prendre l'avantage. La suite se déroula très rapidement. Usant de sa souplesse et de son agilité, Malik fonça droit sur son ennemi et le plaqua à terre. Il ne lui fallut que quelques minutes pour le mettre KO. Il n'en avait strictement rien à foutre que le tavernier gémissait sous lui, le visage ensanglanté. Il acheva ses attaques par un violent coup de pied, mettant tout son poids et son entrain dans cette dernière provocation, histoire de le finir en beauté.
- Je te fais part d'un marché gras du bide, ajouta-t-il sans se départir d'un sourire au coin insolent, tu vas nous laisser partir comme un gentil toutou, sinon je continue à te fracasser la gueule jusqu'à ce que tu ne ressembles plus à rien. Déjà que c'est limite... Ne me tire pas cette tronche mon couillon, tu t'es fais baiser, tu t'es fais baiser, ça arrive à tout le monde. Alors? Marché conclu?
Il ponctua ses paroles d'un rictus ironique, puis s'exclama d'un ton enjoué :
- Niquel ! Au plaisir Messieurs, Dames. Ce soir buvez à notre santé, c'est le tenancier lui-même qui vous invite !
Sans attendre de réponse, Malik enjamba le corps recroquevillé du tavernier et se dirigea vers la porte, entrainant Peni avec lui.
****
Plusieurs années s'écoulèrent. Le rebelle et la courtisane se marièrent et bâtirent une maison rien qu'à eux, au fin fond d'une forêt, loin de la civilisation. Au premier abord, rien ne pouvait entacher leur bonheur or, un soir de pleine lune, Malik fut frappé par la pire des trahisons. Alors qu'il était partis chercher sa belle après l'avoir attendu pendant des heures, l'homme la retrouva au bras d'un autre en train de se faire peloter. Par ailleurs, elle ne semblait pas vouloir le repousser. Elle se laissait faire, répondant même à chacun de ses baisers.
Cette vision d'horreur frappa le rebelle de plein fouet. Il perdit tout contrôle. Ni une ni deux, il s'élança tel un chien enragé sur ce connard, qui tripotait sa femme avec ses doigts boudinés. Il le plaqua sauvagement à terre, susurrant entre ses dents serrés :
- Bas les pattes enfoiré...
Puis, il se mit à le frapper, encore et encore, jusqu'à ce que l'autre ne puisse plus se relever. Malik était dans un tel état de rage et de jalousie qu'il ne parvenait plus à réfléchir. Il continua à cogner, ignorant les pleurs et les cris plaintifs de sa bien-aimée derrière lui. Ce fut seulement quand son rival cessa de gigoter qu'il arrêta ses coups et se redressa en titubant. Du sang maculait sa chemise mais il n'en avait que faire. Il cracha sur le corps inerte de son adversaire et se tourna vers Peni, le regard sombre.
- Malik..., supplia-t-elle d'une voix implorante, laisse-moi t'expliquer...Je...ce n'est pas ce que tu crois.
- Attends, tu te fous de ma gueule c'est ça?! hurla l'homme en s'avançant vers elle, les poings serrés. Tu te fais lutiner par une raclure de pelle à merde et tu oses jouer la sainte nitouche?! J'aurai du m'en douter... Une pute restera une pute. J'aurai mieux fait de te laisser pourrir dans ton trou.
Il ponctua sa phrase d'une grimace de dégoût. Un silence pesant s'installa. Peni resta muette tandis que son mari, encore trop énervé pour rester en place, shoota une dernière fois dans le corps à moitié flasque de son rival. Qu'il soit mort ou non, n'avait pas d'importance. Cette tête de bite venait de briser son couple, il n'avait aucune intention de pleurer sur sa tombe. Meutre ou pas, il n'en avait rien à battre car seul comptait à cet instant, l'acte d'infidélité de sa chère et douce.
Par ailleurs, celle-ci finit par rompre le silence. Elle marcha lentement vers lui, s'arrêtant presque à sa hauteur.
- C'est vrai, j'ai commis une erreur mais tout ça c'est de ta faute et non de la mienne. Tu ne comprends donc pas? Malik, depuis qu'on s'est marié tu te comportes avec moi comme un goujat ! Tu pars sans rien dire et tu rentres à la maison mettre les pieds sur la table sans me demander UNE seule fois si j'ai passé une bonne journée. Pour toi, je suis TA femme, TA chose ! Oui, je t'ai sincèrement aimé et je t'aimerai surement jusqu'à la fin de ma vie toutefois, je ne puis continuer en sachant que tu ne changeras jamais...
Les mots étaient sortis. Tout seul ou peut-être pas. Une chose était sûr, Peni le défiait maintenant de ses yeux de chats. Elle ne semblait même pas regretter ses paroles. Malik la foudroya du regard or, elle ne baissa en aucun cas la tête, refusant catégoriquement de se soumettre. Une fureur sans nom saisit le rebelle. Il la gifla si fort qu'elle bascula en arrière et tomba sur le sol, son crâne percutant une pierre dans un craquement sinistre.
- Peni? Putain de bordel de merde, PENI!
Prenant conscience de ce qu'il avait fait, Malik accourut vers elle mais il était trop tard. La courtisane gisait déjà inerte sur le sol. Le coup avait été si violent qu'une partie de son crâne avait été fracassé, la tuant ainsi sur le champ. Déboussolé, le rebelle tenta bien de la réanimer néanmoins, c'était peine perdue. Il la serra contre lui, les yeux désormais pleins de larmes.
- Je suis désolé... je ne voulais pas... Putain ! Mais qu'es-ce que j'ai foutu ! Pardonne-moi mon amour... Je suis tellement désolé...
Après cet incident, l'homme tenta de se suicider. Il s'enfuya en courant, laissant les deux corps derrière lui. Puis, une fois arrivé en haut d'une falaise, il sortit de la poche de son pantalon un couteau aiguisé, qu'il utilisa ensuite pour se trancher la gorge. Malheureusement, quelqu'un le trouva à temps pour lui prodiguer des soins. Non pas comme un vulgaire médecin mais en le faisant boire du sang, son sang, le sang d'une créature obscure.
- Je t'ai bien observé mon ami, murmura l'étranger tandis qu'il le maintenait par la nuque, le ramenant peu à peu à la vie, tu ne me connais pas encore mais moi, je te connais. Bois et voit la puissance que je te donne. Tu seras mon compagnon de route désormais. Je t'apprendrai tout ce que tu devras savoir.
Ce vampire lui donna alors l'immortalité. Il l'accueillit dans un monde nouveau, faisant de lui son élève, son disciple, son jeune né. Malik resta auprès de lui pendant de très longues années, recevant cette nouvelle chance comme un cadeau. Il apprit beaucoup de son créateur, vivant chaque jours avec un enthousiasme certain. Or, une fois lassé, il quitta son pays natal pour Londres, là où les choses étaient beaucoup moins ennuyeuse. Une guerre là-bas se profilait, excitant le rebelle qui avait grand besoin de s'amuser. Bien évidemment, il ne comptait pas rentrer dans un camp, ni participer au combat. Néanmoins, pour lui, c'était toujours mieux que de rester auprès de son mentor qui commençait sérieusement à le faire chier avec sa belle culture et son envie de découvrir des traditions dont il s'en fichait royalement.
- Nous y voilà ma bichette, dit-il à sa moto alors qu'il roulait dangereusement dans les rues de Londres, je sens qu'ici on va bien se marrer.
Une cigarette au coin des lèvres, il ricana et fit gronder le moteur de son bolide avant de foncer droit sur un groupe de personne, qui traversait gentiment un passage piéton.
- Un petit strike pour fêter ça? J'arrive bande de couilles molles !